La seconde moitié du XIXè siècle
est marquée par l'incroyable dureté des conditions
de vie de l'ouvrier qui en faisaient, lui et ses enfants, des
esclaves soumis à la toute puissance des patrons, à
leur égoïsme inhumain. Il faut savoir qu'en 1871,
il y avait encore dans les charbonnages belges :
- 85 enfants de moins de 8 ans, dont 30 filles et 56 garçons
;
- 2.556 enfants de 10 à 12 ans, dont 918 filles et 1.638
garçons ;
- 7.866 enfants de 12 à 14 ans, dont 2.580 filles et 5.286
garçons.
Il n'était tenu aucun compte des dangers, des inconvénients
et des influences nuisibles qu'offraient les travaux souterrains.
Ce n'est qu'en 1884 que l'âge minimum fut fixé à
12 ans pour les garçons et 14 ans pour les filles. Ce résultat
ne fut atteint qu'après 40 ans de réclamations,
d'enquêtes, de pêtitions, de voeux multiples et de
discussions prolongées. Il fallut les grèves révolutionnaires
de 1886 pour que l'Etat belge, pris subitement de peur, s'engage
dans une politique protectrice du travail et qu'un changement
notable intervienne dans l'orientation des milieux dirigeants.
Au début du siècle, on va donc noter un certain
progrès. Cependant, la classe ouvrière vit encore
dans une situation médiocre ; le niveau de vie de la plupart
des travailleurs reste fort bas ; les conditions de logement -
notamment dans les corons . - sont parfois épouvantables
; le pourcentage des illettrés est considérable.
Un recensement de 1896 révèle que la moitié
environ des ouvriers travaille plus de 10 heures par jour, 20
% travaillant plus de 11 heures. Les salaires sont plus bas que
dans les autres pays industriels ; les deux-tiers des ouvriers
touchent un salaire ne dépassant pas 3,50 francs par jour,
certainement insuffisant pour un père de famille.
Et cependant l'époque est prospère, le Congo commence
à prendre une grande importance dans la développement
économique de la Belgique. A noter aussi en 1901, la découverte
du bassin minier de la Campine.
Mais la structure sociale du pays, le régime fiscal et
la politique économique étaient tels que seule la
bourgeoisie industrielle et financière en était
bénéficiaire ; pour elle, la « chaleur humaine
» n'avait aucun sens.
Il faut attendre 1894, où à la suite d'élections
sur la base d'un régime électoral nouveau (suffrage
universel, mais avec vote plural) 28 socialistes entrent à
la Chambre. Des lors, à partir de 1896, les lois de protection
ouvrières commencent à être promulguées.
Une loi du 13 décembre 1889, concernant le travail des
femmes, des adolescents et des enfants travaillant dans les établissements
industriels, s'exprime comme suit : (extraits).
Art. 2. - Il est interdit d'employer au travail les enfants âgés de moins de 12 ans,
Art. 3. - L'emploi des enfants ou des adolescents âgés de moins de 16 ans ainsi que des filles ou des femmes âgées de plus de 16 et de moins de 21 ans peut être interdit à des travaux excédent leurs forces au qu'il y aurait du danger à leur laisser effectuer, ou reconnus insalubres.
Art. 4. - Les catégories ci-dessus (art. 3) ne pourront être employées au travail plus de 12 heures par jour, divisées par des repos dont la durée totale ne sera pas inférieure à 1 heure et demie ; elles ne peuvent non plus être employées au travail après 9 heures du soir et avant 5 heures du matin.
Art. 6 - En ce qui concerne le travail des mines, le Roi peut autoriser l'emploi au travail de nuit, à partir de 4 heures du matin, des enfants du sexe masculin âgés de 12 ans accomplis (1).
Art. 7. - Les catégories de l'art. 3 ne peuvent être employées au travail plus de 6 jours par semaine. Toutefois dans les cas où le travail ne souffre pas d'interruption, les enfants de plus de 14 ans et les filles ou femmes âgées de moins de 21 ans pourront être employées pendant 7 jours par semaine. Dans ce cas un jour complet de repos devra être accordé sur 14.
A partir de 1892, les femmes de moins de 21 ans ne pourront plus participer aux travaux souterrains des mines. Enfin, c'est en 1911 seulement que ces mêmes travaux furent interdit aux femmes de tout âge et aux garçons de moins de 14 ans. Et ce n'est finalement qu'en 1914 qu'une loi (du 26 mai) interdit le travail des enfants de moins de 14 ans dans n'importe quelle entreprise.
(1) C'est nous qui soulignons. J'ignore si cette autorisation fut jamais accordée !
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