Annexe II

ANNEXE N° II

NOTICE SUR L'ECOLE INDUSTRIELLE
DE MORLANWELZ,
EN FIN DU XIXè SIECLE

 

Cette école a été fondée en 1871 par A. R. du 17 octobre. La notice ci-dessous est extraite du palmarès de l'année scolaire 1895-1896. Cette date a été choisie parce qu'elle correspond à l'état de choses que connut Victor Simon.
- Il y a une trentaine d'années, l'enseignement industriel et professionnel était fort restreint : c'est à peine s'il y avait quelques écoles industrielles dont l'ouvrier pouvait suivre les cours, et s'il voulait s'instruire des choses de son métier, il devait se déplacer à grands frais pour écouter, pendant quelques heures et les dimanches seulement, les leçons qui se donnaient loin de son village. C'était surtout le lot des jeunes gens de notre contrée, où les connaissances étaient cependant si nécessaires.
- Cette nécessité d'un enseignement industriel populaire se faisait sentir de plus en plus, et lorsque vers 1864 le premier élève des environs se fit inscrire pour suivre les cours à Charleroi, il fut bientôt suivi d'autres jeunes gens et d'hommes faits qui devinrent rapidement légion. C'était la démonstration la plus frappante du besoin de savoir qui animait la population si industrielle et si industrieuse du Centre.
- L'Administration des Charbonnages de Mariemont et de Bascoup avait beaucoup contribué à cette poussée vers l'Ecole industrielle (E.I.) de Charleroi en engageant avec instance ses ouvriers et employés à en suivre les cours. Ses encouragements se traduisaient par des subsides alloués à ses agents et surtout par les primes relativement élevées qu'elle octroyait à ceux d'entre eux qui obtenaient le diplôme de capacité.
- Bientôt cette administration s'aperçut que l'élan était suffisant pour qu'une E.I. locale put étre alimentée et les fondements de l'école de Morlanwelz furent jetés par la famille Warocqué, dont le nom est indissolublement lié à celui de cette école, le véritable fondateur de cette institution si utile est en effet M. Arthur Warocqué, dont le dévouement à ses ouvriers s'est traduit par tant d'oeuvres utiles qui ont perpétué son souvenir et rendu son nom si cher à la classe ouvrière. Sa famille a continué son oeuvre et a voulu que les projets qu'avait formulés son chef vénérê reçussent la plus complète exécution en ce qui concerne notre établissement.
- Morlanwelz est ainsi doté d'une E.I. dont les progrès ont été constants depuis l'origine et qui est citée comme l'une des meilleures par tous ceux qui la connaissent.

 

I - HISTORIQUE SOMMAIRE

En 1866, sous les auspices de M. Léon Warocqué, Administrateur délégué des Charbonnages de Mariemont et de Bascoup et Bourgmestre de Morlanwelz, une école de dessin fut installée sous les combles de l'ancienne école primaire des garçons, place du Préau. Les leçons y étaient données les dimanches, de 9 heures à midi, par un ingénieur de Couillet, M, Holm, d'origine hollandaise. Le mobilier de ce rudiment d'école était des plus sommaires : quelques planches placées sur des tréteaux, une armoire pour serrer les dessins qui servaient de modèle aux élèves, et c'était tout. La rétribution était de 50 centimes par leçon, que l'on versait entre les mains de M. Holm. Il y avait à l'origine assez bien d'élèves, mais bientôt leur nombre au lieu de s'accroître, alla en diminuant. C'est que le dessin seul ne suffisait pas ; il fallait s'appuyer sur d'autres connaissances, que l'on ne trouvait alors qu'à l'Ecole des Porions et Contremaîtres de Charleroi et plusieurs jeunes gens abandonnèrent les leçons de M. Holm pour se rendre à cette institution, où le Centre envoya bientôt un nombre d'élèves de plus en plus grand.
C'est à cette époque que M. A. Warocqué, qui avait remplacé son frère Léon, fit au Conseil communal de Morlanwelz, Ia proposition de fonder une E.I., proposition qui fut accueillie à l'unanimité dans la séance du 26 mai 1871. Un A.R. du 17 octobre suivant approuvait la délibération du Conseil communal et le règlement organique était accepté le lendemain par le Ministre de l'intérieur.
Les premières leçons furent données dans le local de l'ancienne école de dessin mais il fallut descendre dans les classes primaires, où on se trouva bientôt à l'étroit, M Warocqué avait prévu cette situation. Il venait de faire construire l'école des garçons, dont l'étage avait été aménagé pour recevoir la nouvelle institution : celle-ci s'y installa en 1873. Entretemps, le Corps enseignant se complétait aussi. Les cours du dimanche étaient organisés en 1873, les premiers examens pour les cours de la semaine avaient lieu en 1874 et en 1875 pour les dessinateurs-mécaniciens.
L'année suivante, les premiers brevets pour les cours du dimanche étaient décernés à la section des mineurs ; et la section des chauffeurs-mécaniciens, inaugurée en 1879, délivrait ses premiers diplômes en 1881.

Les cours suivants furent successivement créés :
- Hygiène et Economie industrielle en 1878 ;
- Commerce en 1882 ;
- Dessin industriel à main-levée en 1883 ;
- Constructions civiles en 1887.
L'école se développait donc constamment ; le nombre des élèves avait augmenté considérablement et toutes les classes des écoles primaires étaient envahies. Les élèves s'y trouvaient gênés, mal à l'aise dans des bancs trop petits, et il devenait de plus en plus nécessaire de chercher d'autres locaux. Il fallait absolument doter l'E.I. de locaux convenables et, selon un projet de M. Warocqué, le splendide établissement fut inauguré la 8 octobre 1888.
On avait compté largement et cependant on fut bientôt forcé de demander l'hospitalité aux écoles des filles, où toute une aile fut occupée par les élèves du dimanche. Les élèves s'y trouvaient mal installés ; heureusement on avait prévu l'extension : de nouvelles salles furent construites au second étage et les élèves purent les occuper en 1894.
En 1892, le cours de dessin à main levée et de traçage a été transformé en cours de Technologie des Ateliers et, en 1893, a été fondé le cours d'Electricité Industrielle lequel est venu parfaire l'organisation.

 

II - NECESSITE DE CET ENSEIGNEMENT

L'apprenti ne peut acquérir dans les ateliers et les chantiers que le maniement des outils ; il y apprendra bien les < ficelles > du métier, les tours de mains relatifs à sa profession, mais il n'arrivera à connaître les principes scientifiques qui doivent le guider dans son travail qu'en suivant des cours spéciaux. La connaissance de ces principes lui est nécessaire pour éviter la routine dans laquelle l'enserrerait son ignorance. Elle lui permet d'analyser les opérations de son état pour les perfectionner d'une façon raisonnée et arriver à une production meilleure et plus économique.
Armé de connaissances scientifiques et techniques, l'apprenti comprend mieux ce qui se passe autour de lui ; il s'y intéresse, étudie les faits et prend insensiblement l'habitude d'étudier et de raisonner tout ce qu'il voit ; son intelligence se développe et son esprit d'observation s'aiguise de plus en plus.
Les ouvriers ainsi préparés ne peuvent être que des travailleurs d'élite ; leur situation est assurée ; ils sont recherchés par tous les chefs d'industrie et beaucoup d'entre eux se créent des positions enviables, soit comme ouvriers, soit comme chefs. L'E.I. doit donner aux ouvriers les connaissances qui leur sont nécessaires pour l'exercice intelligent de leur profession. Mais s'il faut des ouvriers instruits, il faut aussi des employés capables connaissant l'industrie dont Ils doivent s'occuper. Ces auxiliaires indispensables de l'ingénieur ne peuvent être formé que par l'E.I. où lis doivent trouver les leçons nécessaires à cette fin.

 

III - LES COURS

A l'époque considérée, les cours du dimanche comportaient :
-deux années consacrées à l'étude de l'arithmétique, de la géométrie pratique et du dessin industriel ;
-une troisième année qui se divise en 5 sections :
-1) Section des Mineurs ;
-2) Section des Chauffeurs-Mécaniciens ;
-3) Section des Constructions Civiles ;
-4) Section de Technologie des Ateliers
-5) Section d'Electricité Industrielle.
Ce dernier cours étudie les principes de l'électricité industrielle, les appareils de mesure usuels, la production de l'électricité, l'utilisation des courants et des appareils industriels, que les élèves dessinent complets ou par éléments. Pour être admis à ce cours, il faut posséder un diplôme comprenant la physique et la mécanique.

Ces cours s'adressent surtout aux ouvriers qui ne sont pas libres le soir ou qui sont trop éloignés de l'école, ils ont pour but de leur donner les connaissances nécessaires à l'exercice de leur métier et de former des porions, surveillants, chefs machinistes, etc...
Les cours de semaine comprenaient cinq années d'études et se divisaient en deux sections :
- 1) Section des Dessinateurs et
- 2) Section des Conducteurs-mécaniciens.

Les cours de semaine sont beaucoup plus complets et plus importants que ceux du dimanche. Ils s'adressent aux jeunes gens qui ont plus de loisirs et qui désirent faire des études plus approfondies, pour devenir contremaîtres, chefs d'ateliers, dessinateurs, etc.

 

IV - ESPRIT DE L'ENSEIGNEMENT

L'enseignement qui s'adresse à l'ouvrier ne doit pas être le même que l'enseignement donné dans les écoles pour lesquelles les élèves sont spécialement préparés. Dans les E.I., le temps est strictement mesuré, et tout doit concourir à obtenir la clarté et la précision. L'enseignement doit y être pratique. Il ne s'agit pas ici de cette pratique routinière, formée de procédés que l'on confie à la mémoire de l'élève, mais de pratique raisonnée, appuyée sur des principes scientifiques. C'est à l'intelligence de l'élève qu'il faut s'adresser en lui montrant les applications de chaque principe, de chaque règle, et en l'amenant à chercher lui-même les cas où il pourra s'en servir.
Le professeur doit user d'un langage simple et sobre d'expressions recherchées ; il doit se souvenir à chaque instant qu'il s'adresse à des ouvriers. Les mots techniques, les expressions nouvelles pour l'élève doivent être expliqués et bien définis par des exemples.
Les interrogations ne sauraient être trop nombreuses ; c'est le meilleur moyen de s'assurer que l'élève à compris, et de donner au professeur la mesure de l'efficacité de son enseignement.
Il faut habituer L'élève à raisonner ses réponses. Des devoirs à domicile pas trop difficiles mais bien choisis, forcent l'élève à chercher, exercent son initiative. Les sujets doivent être puisés dans les industries locales et dans tout ce qui intéresse l'élève ; c'est là un moyen de l'amener à voir autour de lui, à observer et à comparer, tout en acquérant des connaissances dont il voit ainsi l'utilité.
Aux élèves de la semaine, on peut donner des démonstrations assez complètes. Pour les cours du dimanche, le temps fait absolument défaut et l'on doit se borner à des explications et à des exemples, L'analyse des applications que l'élève peut voir dans les ateliers ou ailleurs, imposée comme devoir à domicile, est un excellent moyen que l'on ne saurait trop recommander.

 

V - RESULTATS

A la date du 20 septembre 1896, l'E.I. a délivré 832 certificats répartis comme suit par spécialités :

- Dessinateurs : 194
- Conducteurs-mécaniciens : 94
- Mineurs : 164
- Chauffeurs-mécaniciens : 205
- Constructions civiles : 98
- Techniciens des Ateliers : 50
- Electricité industrielle : 27

L'E.I. répond aux besoins des industries locales et leur fournit les auxiliaires dont elles ont besoin. Elle est le trait d'union entre l'école et l'atelier, entre la science et l'industrie ; la tradition routinière doit faire place aux procédés scientifiques ; il serait désirable que l'esprit des élèves des écoles primaires et moyennes soit dirigé vers les métiers manuels. On devrait arriver à ce que les professions manuelles devinssent une carrière aussi recherchée que les emplois purement intellectuels. Il faut que les ouvriers comprennent bien l'importance et la valeur d'un bon métier et qu'ils se pénètrent de ce que

METIER VAUT RENTE.

 

VI - ANNEE SCOLAIRE 1895 - 1896

Le nombre des membres du Personnel enseignant a été de 23.
Le nombre total des inscriptions a été de 647 élèves.
Au cours du dimanche, 98 élèves sont passés de première en deuxième année et 49 de deuxième en troisième.
Aux cours de la semaine, 16 élèves passent de première en deuxième ; 12 de deuxième en troisième et 6 de troisième en quatrième.
Au total, on compte 262 élèves qui passent sur 549, soit 47,7 % ce qui prouve que les examens sont chose sérieuse.

 

VII - SITUATION A LA DATE DU 14 SEPTEMBRE 1913

A cette date le corps professoral compte 41 membres. Pour l'année scolaire 1912-1913, le nombre total des inscriptions fut de 1 035 ; le nombre total des êlèves en fin d'année fut de 848.
113 élèves passent de première en deuxième année et 68 passent de deuxième en troisième. Passent de troisième en quatrième année, en Physique et Mécanique 48 élèves et 8 en exploitation des mines.
Il s'agit ci-dessus des cours du dimanche.
Pour les cours en semaine, 31 élèves passent de première en deuxième, 14 de deuxième en troisième et 30 de troisième en quatrième.

 

VIII - LE MUSEE PROFESSIONNEL DE L'ETAT

Dès 1896, lors du 25e anniversaire de l'Ecole de Morlanwelz, la direction de cette école préconisait la création d'un Musée d'enseignement technique annexé à l'école. Les locaux faisaient défaut, mais en 1901, M. R. Warocqué ayant fait don à l'école du beau pavillon qui avait abrité à Paris, en 1889, l'exposition des Charbonnages de Mariemont et de Bascoup, ce pavillon fut transféré à proximité des ateliers des cours professionnels et reçut les collections qui ne pouvaient plus trouver place dans les locaux de l'Ecole. Ces collections s'étaient accrues de tout ce que renfermait le dit pavillon, c'est-à-dire de tout le matériel, à échelle réduite du grand siège n°5 à Bascoup. Les dons affluèrent et le Musée Warocqué fut constitué. Il était accessible au public à certaines conditions et servait surtout aux nombreux élèves de l'E.I. et professionnelle. En 1907, après de nombreuses négociations, l'Etat reprit le Musée à son compte d'où son titre - Musée professionnel de l'Etat -.

Il a essentiellement pour but le développement de l'enseignement technique sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de l'ensei-
gnement professionnel, industriel ou commercial. Son règlement organique prévoit la formation des professeurs, l'exposition du matériel didactique industriel et commercial, la création de cours professionnels temporaires et permanents, l'organisation de conférences, la création de cours supérieurs pour la formation des dessinateurs, chefs d'ateliers, commis et autres agents l'installation d'une bibliothèque publique, la publication d'un bulletin, etc... ; en un mot : développer et améliorer l'enseignement technique dans tous les domaines.

 

IX - CONCLUSIONS

Bien installée, bien outillée, parfaitement organisée, bien administrée, cette école continue à se développer et à recevoir de plus en plus d'élèves. Rien n'y est négligé pour rendre l'enseignement pratique et partant profitable. Près de 1.000 élèves viennent de plus de 30 communes de la région et de localités éloignées de plusieurs lieues pour profiter des cours variés qui répondent à leurs besoins ou à leurs aspirations.
L'E.I. de Morlanwelz fut la première créée dans le Centre ; elle est toujours distinguée par les résultats et surtout par la valeur de ses élèves, dont beaucoup occupent de très belles situations dans la région et à l'étranger. Elle est réputée par son organisation et ses méthodes d'enseignement ainsi que par l'esprit de progrès et d'émulation qui y règne.

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