Préface

I

PREFACE

« Maintenant que j'approche de mes 76 ans, je

me demande où j'ai pu trouver le courage de

mener une vie aussi intense et aussi décousue. »

Victor SIMON

 

Cette monographie n'est pas un récit romancé. Elle est tout simplement la narration sommaire de la vie d'un brave et honnête homme qui, parti de très bas dans l'échelle sociale et comptant parmi les plus grands déshérites, est parvenu à se créer une situation enviable grâce à un travail obstiné, mis au service de dons remarquables.
Pour comprendre ce récit et pour suivre la constante évolution de Victor Simon vers un mieux-être, il faut garder à l'esprit trois choses : d'abord, qu'il possède une vive intelligence, orientée surtout vers l'artisanat ; ensuite qu'il est doué d'un esprit de recherche et d'invention qui va marquer toutes les étapes de sa vie ; enfin, que ces deux qualités innées vont être fécondées par une volonté de fer, émanation d'un caractère ferme, sérieux et réfléchi.
La vie de Victor Simon fut une lutte constante pour l'accession à une condition d'existence meilleure. Cette lutte fut dure et âpre. D'une famille pauvre, comptant cinq enfants dont il est le benjamin, Victor Simon connut une enfance misérable, rendue plus pénible encore par le décés prématuré de sa mère, alors qu'il n'avait pas 6 ans. En cette fin du XIXe siècle, les familles ouvrières, pour augmenter quelque peu les maigres ressources du ménage, envoyaient les enfants au travail dès que possible, sans se soucier de l'instruction que pouvait leur dispenser un enseignement par ailleurs non obligatoire. Ce fut le cas de Victor Simon.
Adolescence et jeunesse se traduisent pour lui par un dur labeur, dominé cependant par la volonté de plus en plus marquée, à mesure qu'il avance en âge, de sortir du marasme et de s'élever. Poussé par la soif de s'instruire, d'augmenter sans cesse ses connaissances, de mettre à l'épreuve ses idées et ses trouvailles, il va mettre tout en oeuvre pour parfaire sa maîtrise de techniques manuelles de plus en plus fines, comme ajusteur et comme mécanicien. Mais il se rend rapidement compte que la pratique seule ne lui permettra pas de dépasser un certain niveau ; il veut pénétrer le pourquoi des choses et, pour y parvenir, il va s'imposer l'obligation d'entamer des études longues et difficiles, pour acquérir ce qui manque à son savoir-faire : la science théorique. Elève assidu et réceptif à l'Ecole Industrielle de Morlanwelz, il a vite fait d'assimiler les matières en rapport avec ses capacités de mécanicien. Mais il n'en restera pas la ! Toujours avide de se perfectionner et de développer son savoir, curieux de nouvelles découvertes, il ne pouvait manquer d'être attiré par l'électricité industrielle, alors en plein essor.

Tant et si bien qu'à la veille de la guerre de 1914, il a pu mettre à son actif les titres de dessinateur, mécanicien, ajusteur et électricien ! Et il en est arrivé à occuper des emplois hautement qualifiés et spécialisés. Dans toutes ces fonctions, il n'a cessé de perfectionner et d'inventer, soit l'outillage, soit même Ia conception et la réalisation de dispositifs divers.
La guerre, malheureusement, vient interrompre cette brillante ascension, Victor Simon, en bon patriote, s'engage comme volontaire pour la durée de la guerre et fait courageusement son devoir. Blessé en première ligne il ne rentrera plus au front; il passe dans une unité de télégraphie sans fil avec laquelle il terminera la guerre.
La paix revenue, Victor Simon n'a plus qu'un désir : réaliser un rêve entretenu depuis longtemps, celui de s'installer à son compte. Il monte donc un atelier d'électricité et de mécanique et se spécialise surtout dans le rebobinage de toutes machines électriques. Mais son esprit fureteur et inventif, toujours à l'affût d'une trouvaille ou d'un perfectionnement, trouve à s'employer une nouvelle fois, un beau jour de fin 1927. Constatant combien les ménagères éprouvent de difficultés pour «passer» les légumes et autres aliments au moyen des passoires alors en usage, il se saisit d'un crayon et, en quelques traits, il trace sur son carnet de notes le plan de ce qui va devenir le prestigieux «Passe-vite».

Et une nouvelle lutte commence ! Un nouveau changement complet d'orientation ! Il faut repartir de zéro et vaincre des difficultés sans nombre : financières, matérielles, techniques et même concurrentielles déloyales... Mais le succès couronnera tant de ténacité dans l'effort, de persévérance dans la foi et de clairvoyance dans les conceptions.
Enfin parvenu à une situation en vue, Victor Simon, l'industriel universellement connu, n'oublient pas les heures difficiles de son existence, ni les efforts désespérés qu'il a dù fournir pour percer, se tourne vers les petits, les humbles, les modestes et il ajoute à son brillant palmarès, le titre de philanthrope !
Dans le même temps, toujours désireux d'élargir son horizon, Il consacre son activité et son intérêt à des domaines divers :
- dans le plan artistique, il s'efforce de mettre en valeur et un relief l'oeuvre du peintre Martin, un autre Carniérois de très humble extraction ;
- dans le secteur philanthropique, il met sur pied et fait prospérer la Maison des Oeuvres, puis il étend son champ d'action au Rotary Club ;
- le profond patriotisme qui l'anime fait de lui le conseiller et le protecteur des anciens combattants et des victimes des deux guerres. il est et reste l'ami fidèle de ceux qu'il juge hommes de bien et de caractère.
Ayant ainsi parcouru à très grands traits le cycle de cette existence mouvementée, nous croyons sincèrement que Victor Simon peut s'approprier la fameuse devise du Taciturne : «Rien ne sert d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.»
A cet homme de coeur, nous souhaitons qu'il connaisse encore de nombreuses années, dans la contemplation du chemin parcouru, entouré de l'affection des siens et de ses nombreux amis !

 

Le Lieutenant Général

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