2 Pourquoi ne l'a-t-on pas inventé plus tôt ?
Ecraser les aliments, céréales ou fruits, est pour l'homme une préoccupation millénaire. Dès le début du néolithique (de 1000 à 6000 ans avant notre ère), l'agriculture supplante peu à peu la cueillette. L'homme se sédentarise et goûte aux céréales cuites. Il invente et perfectionne la meule. Le moulin à légumes est une application du principe ancestral du broyage. L'hélice et la grille ont remplacé la pierre mais l'énergie est toujours humaine.
Après plus d'un siècle de résistance, la pomme de terre, originaire du Nouveau Monde, devient avec le pain, les céréales et la soupe, la base de l'alimentation paysanne et ouvrière.
Pour faire la purée, on se contente d'écraser simplement les pommes de terre à la fourchette. Puis vient le tamis à travers lequel on fait passer la matière à l'aide d'un outil. La purée est grossière, le geste fastidieux. Quelques générations plus tard, les catalogues de vente par correspondance proposent des presse-purée constitués d'un réceptacle cylindrique perforé dans lequel la cuisinière pousse les aliments à l'aide d'un pilon fixé à une charnière en forme de levier. Cette presse grossière, qui lui permet de diminuer sa dépense d'énergie, ne fait que standardiser le geste précédent. Il ne s'adapte qu'à un très petit nombre d'aliments.
L'invention de Simon et Mantelet est un simple moulin (qui apparaît en Occident au Ier siècle avant JC, même si le procédé ne se généralise en Europe que vers le Xième siècle (raréfaction des esclaves oblige). Ce petit moulin, sans démultiplication de mouvements, sans mécanisme de transmission de puissance autre que la manivelle, avec son tamis fixe et son hélice mobile ressemble à s'y méprendre au moulin archaïque du haut Moyen-Age.
Il semble que le moulin à légumes ne pouvait
pas être fabriqué avec des pièces de bois,
trop petites et donc trop fragiles pour un mouvement nécessitant
parfois une force considérable. Par ailleurs, la fabrication
d'un tel objet aurait été longue et onéreuse,
le confinant à une production confidentielle et une diffusion
artisanale. Le fer-blanc, le fer étamé, n'est apparu
que tardivement. Peu coûteux, inaltérable dans les
conditions de l'époque, alimentairement parfait et facile
d'entretien, il était le matériau idéal.
Facile à travailler, il s'adapte à merveille aux
premières machines-outils, à la mécanisation,
au travail à la chaîne, à la recherche de
productivité et permet une production rapide, en grande
quantité, à moindre coût. Tout cela fera la
différence avec la plupart des systèmes antérieurs
aujourd'hui presque oubliés. Ils furent laminés
par ce nouvel engin qui, pour moins cher encore, faisait plus,
mieux, plus vite, et à moindres efforts.
Enfin, la société au même moment changeait,
la condition féminine évoluant en ces quelques années
davantage qu'en plusieurs siècles, tandis que les goûts
gagnaient en raffinement au sein d'une société de
loisirs naissante.
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